Vers
les années 50, mais au 15 ème siècle, une affaire crapuleuse dont
se seraient bien passé les Loudéaciens a défrayé les soirées au
coin du feu dans les fermes des alentours.
Ce lundi 18 du mois de novembre alors que la lune est pleine du côté
de Notre Dame de Bon Repos, à la limite de La Pernessaylle, la
famille Bouvier dort du sommeil du juste après une dure journée de
labeur à faire des fagots en prévision de l’hiver qui s’annonce
rude, les oignons ayant un nombre impressionnant de pelures, il ne
faut pas oublier l’adage «Peaux d’oignons
très fines, hiver doux à venir ou quand il y a
trois pelures, grande froidure».
Armand,
le père de famille, est sorti de son sommeil par des coups sur la
porte de la pièce unique de la chaumière qui sert de cuisine, de
chambre, de cellier et de garde manger.
Armand
a entendu dire que des malandrins sévissaient dans les environs et
s’en prenaient aux habitants des fermes isolées afin de les
dépouiller du si peu de biens qu’ils possédaient mais prenant son
courage à deux mains, il se lève sans réveiller Fernande sa femme
ni ses deux garçons Yfic et Guénolé.
Par
précaution, il s’approche de l’âtre ou le feu couvait sous une
souche de chêne et se saisit d’un tisonnier avant de se camper
près de la porte d’où venaient les bruits qui l’avaient
réveillé.-
Tchi ké là ? demande t-il
-
Nous sommes perdus et nous cherchons asile répond une voix de
l’autre côté de l’huis
-
Il est ben tard pour se prom’ner en pieine campagne
-
Nous sommes ben d’accord mais un petit coin dans la grange nous
suffira
-
J’enfile une harde et pis j’vous
monte ouaisse q’vous pourrez passer c’qui reste de la néteïe
A
peine Armand a
tirée sur la bobinette qu’il se retrouve face à trois bounoummes
qui le poussent à terre dans la pièce ce qui réveille Fernande,
Yfic et Guénolé qui voient leur père et mari frappé à coups de
gourdins.
-
Ouaisse que tu caches
ta boursée ?
-
Nous sommes de pauv’ peïsans qui n’avons rien
-
T’as ben dés bétes
pour fére
ton labour
-
Ben nous avons un vieux boeu dans l’fond d’la grange
-
Et ben
t’en a pu
Un
des trois malandrins se saisit alors
du tisonnier qu’Armand
avait encore en main,
va vers le foyer et plonge le fer dans la braise afin de le faire
rougir et revient à côté d’Armand et frotte la piante
des pieds du pauv’ fermier qui s’ébreïe de douleur, il en f’ra
d’même quante
la bourgeouaise et les deux gamins.
T’choque
s’maines pu tard quand Armand et l’reste de la famille furent
en capacité de marcher, ô
s’rendit
à Loudia pour déposer pïeinte auprès du suzerain afin
déclarer le vol du boeu. Ô l’apprit qu’ô n’avait pas été
la seule d’la contrée à aveire zeuh
les mêmes désagréments mais que d’aout’ peïsans avaient été
dépouillés itou et q’les malandrins chaouffaient les piantes des
pieds pour ne pas être suivis.